FOCUS SUR LES MATIÈRES
Cecile Mataillet
Chez Cotélac, le plus souvent, tout démarre à partir de la matière première. « Pendant les Salons spécialisés, nous partons à la recherche de fils ou de tissus que l’on va sélectionner pour leur aspect visuel, leur main et leurs propriétés techniques, explique Janelle Cox, adjointe au sein du bureau de création. Ensuite, nous faisons venir des échantillons et à partir de ceux-ci, nous imaginons les pièces que nous allons pouvoir réaliser avec telle ou telle fibre ».
« C’est une façon de travailler que je n’avais jamais connue avant de travailler chez Cotélac, explique Céline Wolf, assistante-styliste. « Il est vrai que notre manière de procéder peut sembler différente de celle d’autres marques, ajoute Nathalie Carrera, styliste au bureau de création. Cela vient de la méthode de travail de Raphaëlle*. Formée aux Beaux-Arts, elle s’est toujours intéressée en priorité aux matières. Bien sûr, avant de les sélectionner, nous effectuons des recherches en amont et nous avons une petite idée de ce que nous voulons faire. Mais elles nous inspirent toujours énormément. »
*Raphaëlle Cavalli, directrice de la création de Cotélac
Les points qui feront la différence : le traitement du fil de base, le savoir-faire du fabriquant, les procédés de teinture, le rendu final (lavé, texturé voire froissé…). « Selon les pays, les qualités et les rendus ne sont pas du tout les mêmes,précise Janelle. Même pour les fibres artificielles, il y a des différences importantes. Celles produites en Corée et au Japon, par exemple, ont une main beaucoup plus naturelle ». Ces fibres artificielles techniquement indispensables pour transformer la matière en plis serrés ou en bouillonnés ne sont donc pas toutes équivalentes.
« Nous ne pouvons pas juste dire : arrêtons de faire venir des tissus d’Asie ! Bien entendu, nous essayons toujours de faire nos achats au plus proche. Mais parfois il est impossible de trouver certains textiles équivalents en dehors de pays où les savoir-faire sont uniques ! ». Et quelle que soit la provenance, sont privilégiés les mélanges textiles dans lesquels il y a le moins de fibres synthétiques possibles. « Nous faisons en sorte de répondre à de fortes contraintes techniques tout en ayant ce souci à l’esprit »..
« Pas de plastique pour les boutons, par exemple, explique Céline Wolf assistante styliste. Nous utilisons de la nacre issue d’une huitre de culture perlière oudu Corozo. Moins connue, cette dernière, également appelée ivoire végétal, est issue d’un fruit provenant de palmiers à ivoire qui poussent naturellement dans les forêts tropicales. « Elle est très résistante et elle prend bien la couleur : elle est bien plus jolie et vieillit beaucoup mieux que du plastique ! »
D’une manière générale, on peut noter qu’il est plus facile aujourd’hui de trouver des fibres bio et durables. « Je me souviens que pendant longtemps, elles étaient rares et présentées vraiment à part dans les Salons. Elles semblaient un peu inaccessibles, se souvient Nathalie. Elles sont plus courantes aujourd’hui et c’est une bonne chose ! ». Elles sont donc de plus en plus intégrées dans les collections, y compris pour les matières synthétiques, avec le développement de textiles issus du recyclage.
« On essaie d’être le plus vigilant(e)s possible mais ce n’est pas toujours simple, précise Nathalie. En effet, dans ce domaine également, on peut avoir des surprises. Je me souviens avoir entendu parler d’un fabriquant de polyester qui produisait ses propres bouteilles en plastique pour pouvoir commercialiser un textile soi-disant "recyclé" : une totale aberration » !
De fait, dans les collections, on retrouve des compositions très variées et parfois étonnantes : le papier - apprécié pour son aspect sec, frais et sa main particulière - le bambou dont la culture requiert quatre fois moins d’eau que le coton - le kapok (une fibre végétale soyeuse et légère) … D’autres sont plus habituelles sur les étiquettes de composition des vêtements mais pas forcément plus connues. Telle la viscose, par exemple : des fibres de bois ou de bambou très pratiques pour apporter de la douceur et de la fluidité…
« Mais dans ce domaine aussi, il existe différentes marques avec leurs recettes propres et des produits plus ou moins qualitatifs, souligne Nathalie. De notre côté, quand il s’agit de viscose, nous aimons travailler avec le Cupro ». Ce fil qui ressemble un peu à la soie en légèrement plus lourd est une fibre cellulosique dont le procédé de fabrication est respectueux de l’environnement. Le Cupro® sélectionné par Cotélac est produit par la société japonaise Asahi Kasei Corporation, la seule à avoir obtenu le label OEKO-Tex Standard 100 et les certifications GRS (Gobal Recycled Standards), Eco Mark et LCA (Life Cycle Assessment).
Le mode d’impression lui aussi fait la différence. « Nous mettons tout en œuvre pour faire de la qualité jusqu’au bout, précise Janelle. En fonction des contraintes techniques, les procédés les plus adaptés sont sélectionnés. Aussi pour un dessin avec une multitude de couleurs, le procédé inkjet est le plus pertinent. Pour les imprimés qui seront ensuite retravaillés, plissés ou bouillonnés, le choix se portera sur la sublimation, une technique aux possibilités créatives infinies et dont les motifs sont indélébiles dans le temps. Pour fixer les couleurs, la sublimation exige d’avoir un tissu à plus de 50% de fibres synthétiques mais elle permet une personnalisation sans équivalent. « Enfin, quand c’est techniquement possible, nous privilégions l’impression traditionnelle, explique Janelle. Celle-ci nécessite d’avoir des rouleaux gravés pour chacune des couleurs. Elle n’est donc pas adaptée à tous les imprimés ». Mais en termes de qualité - comme pour la sublimation - elle permet d’avoir des motifs qui ne pâliront pas dans le temps car les fibres sont complètement imprégnées par les couleurs.
Pour imprimer ces matières en traditionnel, Cotélac a choisi depuis une quinzaine d’années de privilégier des ateliers français avec la volonté de les faire fonctionner et de conserver les savoir-faire en France. C’est le cas, par exemple, des Ateliers d’ennoblissement textile de La Turdine situés à Tarare, près de Lyon, ou d’un atelier situé à Saint-Savin en Isère, spécialisé dans la gravure de cylindres pour l’impression textile. Des partenaires qui à l’image de Cotélac ont su conserver leurs méthodes traditionnelles et leurs sites de production en France.